unsentiment
Première apparition dans le Monde Diplomatique en janvier 1994 dans l'article Inexorable effritement du « modèle » franco-africain, par Philippe Leymarie.
A l’heure où il rêve ainsi tout haut à une "seconde conférence de Berlin qui tâcherait de promouvoir un nouveau type de rapports entre l’Afrique et le monde industrialisé", la pandémie de sida continue de décimer les populations et de faire des millions d’orphelins ; les Etats sont en panne, contraints de réduire les effectifs de la fonction publique, d’y rogner les salaires (comme au Cameroun, où ils ont été amputés… de moitié le 1er décembre dernier) ou de ne plus les payer (sept mois d’arriérés au Tchad, dans la capitale, jusqu’à douze mois en province ; plusieurs mois de retard en Centrafrique, au Congo, aux Comores, au Zaïre…) ;de larges portions de la population urbaine se réfugient dans l’économie de survie (le fameux “secteur informel”, qui échappe aux statistiques… et au fisc) ; les planteurs, privés de leurs caisses de stabilisation ou des offices de collecte et de commercialisation démantelés à la demande des experts du FMI, sont livrés à eux-mêmes, après des décennies de relative stabilité (3) ; la contrebande s’installe sur les marchés… Le ressentiment croissant à l’encontre de "maîtres du monde" qui tirent les ficelles de l’"International Misery Fund" (4) se double de plus en plus, au sein des opinions africaines, d’unsentiment de défiance à l’égard des pouvoirs quelle que soit leur origine alimenté par l’accumulation des déboires : gâchis ethnique au Burundi (5) ; vendetta au bazooka, à Brazzaville, entre mouvance présidentielle et opposition ; succession périlleuse en Côte-d’Ivoire (lire ci-dessous l’article de Michel Galy) ; nouvelle volte-face des militaires au Nigéria, pour canaliser à leur profit un processus de démocratisation chaque fois plus irréel (6), sans parler des conflits persistants au Zaïre, en Somalie ou au Libéria.