singularisés
Première apparition dans le Monde Diplomatique en mai 2002 dans l'article La dictature dans les têtes, par Guy Scarpetta.
A commencer par la folie de Trujillo lui-même : personnage tout à la fois médiocre, intensément mégalo, implacable, dénué de tout sens moral, constamment soupçonneux, maladivement maniaque, méticuleux, honteux du sang noir qui coule dans ses veines (il poudre son visage pour dissimuler toute trace de négritude, dans une sorte de dénégation obsessionnelle), compensant sa déchéance physique (c’est l’époque où il est sujet à des accès d’incontinence) par un surcroît de cruauté, redoutable manipulateur d’hommes — mais tellement enivré par sa propre puissance qu’il en vient à s’aveugler sur la réalité, à devenir incapable, in fine, d’admettre que le rapport de forces en sa faveur a commencé de se retourner… Notons ceci, aussi, qui qualifie les vrais grands romanciers : la réussite des portraits des personnages secondaires, tous hautement singularisés.