ravalaient
Première apparition dans le Monde Diplomatique en décembre 1974 dans l'article La Suède, modèle de démocratie ? , par Fadela M'Rabet & Maurice T. Maschino.
Tora, qui est restée trois mois dans un grand hôpital de la capitale, dénonce l’ “ inhumanité ” – c’est son expression – du système ; elle partageait sa chambre avec quelques personnes âgées ; dès six heures, le soir, après le dîner, on tirait les rideaux ; à deux heures du matin, bien des malades étaient déjà réveillés : une infirmière passait, qui leur distribuait un somnifère… Les contacts avec les médecins, quand il y en avait, étaient impersonnels, et le malade, comme chez vous sans doute, n’était qu’un objet, ou un cas, sur lequel on le penchait avec intérêt et qu’on soignait avec sérieux, mais sans beaucoup d’ “ humanité” … « Chez nous, ajoute Agneta, on fait le strict nécessaire, et c’est toujours uniquement sur le plan matériel ; on équipe très bien les appartements pour vieillards, mais on abandonne les vieillards à leur solitude ; la semaine dernière, des peintres, qui ravalaient un immeuble, ont aperçu par une fenêtre un arbre de Noël encore décoré, mais tout sec, et, sur un lit, une forme étrange… Les pompiers ont découvert le cadavre d’une vieille femme morte depuis six mois… » Crèches insuffisantes, hôpitaux qui manquent de personnel, immeubles collectifs (avec restaurant, garderie, laverie…) en nombre trop restreint : « la société » ne soulage que très partiellement les citoyens, et l’aide qu’ils reçoivent, matérielle ou financière, ne répond que très imparfaitement à leurs besoins ; mais cette aide est plus généreusement distribuée qu’ailleurs – elle absorbe 29 % des dépenses de l’Etat, – et elle permet aux moins fortunés de subsister : en Suède, on ne meurt pas de faim, ni de maladie, on ne loge pas dans un taudis, le minimum est assuré à tous ; mais c’est, précisément, le minimum, et le système de régulation sociale – qui n’empêche pas certains de s’octroyer le « maximum » – n’élimine pas l’inégalité : il la rend plus supportable.