matouba

Première apparition dans le Monde Diplomatique en octobre 2006 dans l'article Il n'est frontière qu'on n'outrepasse, par Edouard Glissant.

C’est pourquoi les Ports, négriers ou non, nous émeuvent tant : et aussi les grottes et les cavernes et les cellules et les éloignements et les enfermements irréparables, les lieux que vous souffrez et les lieux que vous ignorez, les innombrables et les exceptionnels, Auschwitz et l’incommunicable, Gorée, Robben Island, le fort de Joux, et la grotte de Tjibaou, Saint-Pierre de Martinique et tous les volcans des Amériques, Rapa Nui au centre de l’inconcevable, Matouba en cendres, la Plantation bardée de cannes, Carthage et le sel noir, et le ventre de ces bateaux négriers, les gabelles et le sel rouge, et Hiroshima et Nagasaki, la smala d’Abd El-Kader, et la Grande Muraille si longue à atteindre et à finir, et la cellule de Socrate, et la bibliothèque de Tombouctou, La Nouvelle-Orléans et ses Katrina d’eau depuis toujours, les pesticides plombant les infinis des bananes, et le volcan d’Empédocle, les favelas qui s’entassent les unes les autres partout au monde, la Traite aux feux du Sahara et des déserts de l’Est, et le garrot d’Atahualpa, Circé au trou ténébreux d’oubli, et Lisbonne et San Francisco et ces tremblements, l’Atlantide, Bagdad, le Styx, et pour moi l’agonie de la rivière Lézarde.