désynchronisées

Première apparition dans le Monde Diplomatique en janvier 2011 dans l'article Enfermées, vivantes, par Cathy Fourez.

Une voix collective, fragmentée de graduations désynchronisées et en mutation permanente, circule dans les maillages du bâtiment : c’est la musique qui se propage depuis les deux cours intérieures et qui rythme la cadence de groupes « amazones » s’essayant à la cumbia ou au hip-hop ; ce sont les huées, les éclats de rire, les protestations qui fusent lors de la partie de basket-ball ; ce sont des cris perçants, noyés dans la promiscuité et auxquels personne ne répond, mais qui sont poussés juste pour être entendus par ceux qui n’ont plus qu’une seule force, celle de crier ; c’est le chant tapageur des enfants qui chahutent (2) ; ce sont les pieds des chaises qui frottent le sol carrelé des salles dans lesquelles se déroulent les ateliers ; c’est le fracas assourdissant des voix de prisonnières qui, confinées dans les impasses des escaliers qui donnent sur la prison des hommes, désaccordent et réaccordent des nouvelles de la famille, des paroles d’amour, des insultes, des commentaires grivois, des discours taquins, des traités de trafic en tout genre avec un autre en-dehors emmuré, avec un lointain masculin dont leurs corps ont la nostalgie.