craintives
Première apparition dans le Monde Diplomatique en novembre 1983 dans l'article La Plaine de Caïn, par Spôjmaï Zariâb.
Et cependant, comme s’il s’agissait d’un devoir instinctif placé sur leurs épaules par les mères de leurs mères, elles répètent, hésitantes et craintives, cette histoire aux oreilles de leurs petits-enfants, avec les mêmes larmes et les mêmes soupirs… Et quant à cette vieille femme, la femme du vieil homme, on raconte qu’elle a entendu l’histoire de cette ville, mais qu’elle ne pardonna rien, ni à Dieu ni au monde, non pas du fait que le vieil homme n’était toujours pas revenu, mais du fait de tout ce sang versé dans la ville… Les grands-mères disent qu’à chaque fois que la mort s’en va chercher cette vieille femme et rencontre ses yeux à jamais impatients elle s’en retourne à mi-chemin par égard pour elle, les mains vides, sans la toucher… Et elles disent qu’aujourd’hui encore, après des années, après des siècles, la vieille femme est toujours assise dans sa maison à coudre des sachets, des sachets blancs, et que, les yeux rivés sur la porte fermée, elle attend des sachets remplis de fruits et de sucreries… Bien des fois, des centaines de fois, les enfants qui entendent cette histoire ouvrent les portes, cherchent cette vieille femme qui attend des sachets pleins de fruits et de sucreries… Les grands-mères disent que cette vieille femme existe, mais qu’elles ne savent pas où… Peut-être est-ce moi, cette vieille femme… Peut-être y a-t-il derrière chaque porte close une vieille femme qui ne cesse d’attendre, d’attendre des sachets remplis de fruits et de sucreries… Qui sait ?
Deux autres apparitions
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